Pour parler de l’histoire et des notions entourant l'identité bispirituelle, je dois parler du cœur et de mon histoire personnelle tout en reconnaissant et en honorant les membres de ma communauté autochtone qui me précèdent et qui ont permis à ce savoir d’être préservé et transmis aux générations futures.
En raison des répercussions profondes des traumatismes intergénérationnels et de la colonisation sur ma famille, il y a toujours eu une cassure profonde m’empêchant d’accéder au savoir culturel ou à notre communauté, ce qui a rendu mon parcours de compréhension de mon identité extrêmement complexe à naviguer, surtout qu’à cela s’ajoutent d’autres situations difficiles.
Quand j’étais plus jeune, ma mère choisissait mes vêtements pour l’école. Ses choix, qui mettaient la féminité en valeur, m'agaçaient. Ce n’est que lorsque j’ai affirmé mon envie de m’exprimer plus librement et comme bon me semble que j’ai demandé à choisir moi-même mes tenues, ce qui a nourri mon lien tant à l’énergie féminine qu’à l’énergie masculine qui m’habitent et que j’ai toujours portées.
Entre la confusion et le questionnement entourant mon orientation sexuelle, qui a duré plusieurs années, et la peur du rejet dans ma famille qui, je m’imaginais, découlerait de mes choix identitaires, j’étais en lutte interne constante pour essayer de trouver ma place.
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Celle-ci finissait souvent par être hors des lignes définies. Je n’ai jamais aimé me conformer aux stéréotypes ou aux étiquettes de la société. Aucune de ces étiquettes ne me convenait complètement. J’ai toutefois restreint ma capacité à m’exprimer librement en me forçant à incarner ce que la société voulait de moi, jusqu’à ce que j’entame mon processus de renouement avec ma culture et mon identité. J’ai entendu le terme « bispirituel·le » pour la première fois en 2020, pendant la pandémie, lorsque la sensibilisation aux réalités bispirituelles a gagné en popularité sur les réseaux sociaux et dans les communautés LGBTQ+. En écoutant des personnes bispirituelles parler de leurs expériences, j’ai sitôt ressenti que j’avais finalement trouvé quelque chose qui me convenait dans tous les aspects de ma vie en accueillant qui je suis sans que ce soit une étiquette identitaire à laquelle se conformer en société.
Avant la colonisation, les rôles traditionnels des hommes et des femmes dans nos cultures étaient considérés comme étant égaux et très importants, tout comme ceux des personnes bispirituelles, qui ont été célébrées à travers l’histoire pour leurs rôles essentiels qui consistent notamment à marcher dans les deux mondes au sein de leurs communautés autochtones.
Il est important de noter que ce ne sont pas toutes les personnes autochtones LGBTQ+ qui s’identifient au terme « bispirituel·le » : le mot n’est pas interchangeable avec le fait d’être queer et autochtone. Être bispirituel·le signifie être autochtone et incarner la représentation des identités décolonisées, de la revitalisation de nos traditions et du renouement avec nos cultures.
Le parcours de renouement avec son héritage culturel et avec l’identité bispirituelle peut être à la fois difficile et encourageant, surtout pour les jeunes qui n’ont pas toujours accès à du soutien ou à du savoir culturel, comme pour moi et l’époque et encore parfois à ce jour. Le meilleur conseil que je peux donner aux autres personnes qui traversent quelque chose de similaire, c’est de se tourner vers les personnes bispirituelles qui partagent leurs histoires, leurs expériences et les obstacles qu’elles ont surmontées en renouant avec leurs propres identités. Chaque personne a ses propres définitions et ses propres notions entourant la manière qu’elle choisit de s’identifier, mais en écoutant d’autres personnes raconter leur histoire, on peut parfois en apprendre davantage sur nous-même et sur les manières dont nous nous sommes senti·e·s dans certaines situations de la vie : les histoires des autres peuvent nous guider.
N’oublie pas : alors que tu progresses dans ton parcours personnel et que tu commences à affirmer ton identité auprès des personnes allochtones, on te posera des questions sur ce que signifie le terme. Tu n’es pas obligé·e d’expliquer ton raisonnement personnel si tu n’es pas à l’aise de le faire.
Cela étant dit, les soutien des allié·e·s envers les jeunes personnes bispirituelles permet à ces dernières d’avancer dans leur parcours personnel dans un milieu où un travail de conscientisation est réalisé au sujet du terme sans que les personnes qui incarnent cette identité n’aient à constamment s’expliquer ou à expliquer les enjeux qui affectent leurs communautés. Les meilleurs conseils que je peux donner aux allié·e·s qui souhaitent soutenir les jeunes personnes bispirituelles et leurs communautés sont les suivants :
Prends le temps de t’éduquer, en tant qu’allié·e, au sujet du terme, de l’histoire des communautés autochtones autour de toi et des enjeux systémiques qui les affectent à ce jour.
N’aies pas peur de prendre parole et d’utiliser ta voix, que ce soit en déconstruisant des stéréotypes ou en éduquant les autres autour de toi.
Priorise la création d’espaces inclusifs où les jeunes personnes bispirituelles peuvent se sentir en sécurité avec toi et dans l’environnement. Il n’y a pas assez de tels espaces et on ne peut pas y arriver seul·e·s!
Le renouement avec l’identité bispirituelle au sein de nombreuses communautés autochtones et pour leurs membres issu·e·s des communautés LGBTQ+ ne représente pas seulement la décolonisation de leurs identités et de leurs visions du monde. Il s’agit également d’un pas vers la vérité et la réconciliation qui lutte contre l’effacement de nos traditions, de nos pratiques culturelles et de nos identités autochtones. Il est important de passer à l’action, de vous éduquer et d'éduquer les autres, et de vous rappeler qu’être un·e allié·e, c’est bien plus que de porter un chandail orange le 30 septembre : le soutien doit perdurer à l’année.
Trinity Antone (elle/iel) est une femme bispirituelle de 21 ans, fière Haudenosaunee de la Nation Oneida qui provient de la rivière Thames en Ontario et de Malte, un île dans le sud de l’Europe, bien qu’iel soit né·e dans le sud-ouest de l’Ontario. Trinity travaille en tant qu’artiste pluridisciplinaire, créateur·trice de contenu, mannequin et défendeur·se des droits des jeunes personnes autochtones. Après avoir diffusé son parcours de renouement culturel et de défense de droits sur les réseaux sociaux au début de la covid, sa plateforme a rapidement grandi et est devenue un espace inclusif pour plus de 17 000 personnes sur TikTok, où plusieurs autres personnes se sont mises à partager leurs expériences similaires dans les commentaires de ses vidéos. La militance de Trinity touche à la sensibilisation entourant les femmes, filles et personnes 2ELGBTQI+ autochtones disparues et assassinées, aux effets des traumatismes intergénérationnels, à la sensibilisation au sujet de la santé mentale et des troubles de consommation, et à la déconstruction des stéréotypes et des notions sociales stigmatisantes entourant les personnes autochtones d’héritage mixte.